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 Un grand homme, Cornélius.

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Cornélius D. Lacroix
Cornélius D. Lacroix
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Messages : 26
Date d'inscription : 19/07/2012

Personnage Incarné : Eugène Delacroix
Surnom : Cordy

VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE
Âge : 34 ans.
Métier : Artiste peintre.
Que pensez-vous de Noctem ? :
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MessageSujet: Un grand homme, Cornélius.   Un grand homme, Cornélius. Empty19.07.12 23:14

Un début dans la vie

Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout.
▬ Breton
Un grand homme, Cornélius. Cordy11

Nom, prénom(s) : Cornélius D. Lacroix (Eugène Delacroix)
Surnom : Cordy
Âge : 34 ans.
Métier : peintre.
Camp : Au plus offrant.


La Débâcle

Celui qui n'a pas peur n'est pas normal ; ça n'a rien à voir avec le courage.
▬ Sartre


Noctem et vous :

Les grands du monde décident toujours de l’orientation que doit avoir l’Art. Cornélius l’a assez vécu dans sa vie antérieur pour savoir à quoi s’en tenir. Il cherche simplement un mécène qui lui garantisse avis et protection. Noctem, c’est un type pratique, mais il n’hésitera pas à retourner sa veste si les choses évoluent contre le souverain de Cassandre pour qui il n’a aucune affection. Cornélius fonctionne simplement : du moment que la place qui l'occupe au sein des hautes sphères de Cassandre est préservée, ainsi que le luxe dans lequel il s'étale et ses richesses préservées, peut importe qui gouverne. Cordy est un opportuniste fini qui, s'il éxècre à la fois la plèbe et la haute société bourgeoise de la ville côtoie l'une comme l'autre étroitement. Il sait se fondre dans la noirceur des ruelles à la nuit tombée pour échanger un verre avec une bande de prolétaires incultes, et faire montre de galanterie auprès de ses dames luxueuses vivant de champagnes. Cornélius s'exhibe aux salons, avec son air dépenaillé et excentrique, il fait de lui une animation constante, est hypocrite avec les riches mais en fait lui même partie. Les très riches. Noctem permet son Art, le subventionne et l'achète, ça lui convient très bien.

Votre camp et vous :

Cornélius est un solitaire. Il n’aime pas les groupes. Il n’aime pas les gens.

Votre degré d'engagement :

Collez lui un couteau sous la gorge ou une bourse entre les mains, toutes situation est douée d’évolution.

Votre plus grande peur :

Homère. La cruauté du poète lui ronge les os. Il ne demande que sa proximité mais ne supporte pas de le côtoyer. Ses mots sont des armes qui lui transpercent le sang. Il le hait certainement autant qu’il l’aime. Et Cornélius a peur d’aimer autant qu’il se craint lui même. La maladie également, qui le foudroie régulièrement sous forme de fièvres épaisses dont il ne peut prévoir les crises.


Le Temps retrouvé

La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
▬ Aragon

- Je vais crever.
- Bien sur. Comme tout le monde.
- Je vais crever. De l’esprit. Le corps je m’en fou. Qu’est ce que le corps ? Mais l’esprit, l’esprit…
- Il est mort depuis longtemps, Cornélius.

Alors il se lève soudainement, mue par une force qui le pousse à vivre, encore et toujours, à chercher, chercher au delà du monde, de la nature, du réel, au delà de toutes ces choses qui allient esprit et matière. Au beau milieu de la nuit, vers trois heures du matin, sa volonté se fend, son cœur se sert, et s’insinue en lui comme un pâle voile de lumière le besoin insistant, intrinsèque, étouffant de peindre. Il se lève, et il peint. Sa main tremble. Il alterne : crayon, pinceau. Il peint des détails invisibles, il transcende la matière, les pigments se mélangent et se fondent dans la perfection de sa technique. Les drapés resplendissent, on peut presque toucher les étoffes de soie rouge, les dentelles délicates qui se détachent en arc de cercle, caressant tendrement une épaule ronde, voluptueuse, rose. Les dents serrées, toujours les dents serrés, Cornélius peint. Et sur son visage se tracent des traits de douleur, comme si on lui arrachait les tripes. Comme si une pince gigantesque maniée avec la précision du médecin et la brutalité du bourreau plongeait en lui, cherchai, fouillait, comme il fouille lui même les plus bas recoins de son Art. De l’Art. Et il gémit, il gronde, il pleure, la rage l’étreint lentement et le pousse à brutaliser sa toile comme on le brutalise lui. Il trace dessus d’un geste décisif une large bande rouge, dégoulinante, puis une autre, et encore une autre, il recouvre la bouche vermeille, les drapés ocres, la dentelle fine et l’épaule délicate. Il les recouvre, il les fait disparaîtrais, il les tues. Dans un hurlement de haine, contre la toile, contre ses pinceaux, contre lui, contre le monde, il jette tout à terre, se saisit de l’oeuvre et la fracasse sur le bord de la table. Elle se déchire dans un crissement douloureux auquel il répond par un nouveau cri étouffé. Alors, haletant, tremblant, battu une nouvelle fois, il se laisse tomber à terre et pleure des larmes invisibles.

Le jour de sa mort, bien qu’il n’ai eu que quelques tristes secondes pour s’en apercevoir, Cornélius se dit tout de même qu’enfin, il allait pouvoir se reposer. Toute sa vie, il avait arpenté des chemins douloureux, qui ne l’avaient pour la plupart menés nul part. Enfin, son esprit allait pouvoir se détacher de toute cette soif de connaissance, de toutes ces réclamations de l’âme qui le poussaient sans cesse à vivre, à chercher, à comprendre. Enfin, le sublime qu’il n’avait jamais atteint le laisserait en paix. Pour toujours. Il estima l’avoir mérité et expira l’esprit léger, avec le sentiment d’avoir donné au monde assez de sa personne. Mais dans la tranquillité de la mort, une main se posa sur lui. Lentement, elle attrapa entre le pouce et l’indexe sa pauvre petite âme qui flottait dans l’infini, et l’extirpa comme on se saisit d’un insecte. Avec négligence, on le jeta à nouveau dans le flot de la vie.

***


A flans de colline se découpait la silhouette grise du musée international de l’Art de Cassandre. Le rang du bâtiment, proprement infidèle aux normes strictes d’architecture de l’époque, quelle quel fut, gênait Cornélius. Debout devant l’entrée, les mains négligemment plongées dans les poches d’un vieil imper élimé qu’il avait hérité de son père –son vrai père-, une cigarette mouillée au coin des lèvres, quelque chose semblait l’avoir gelé face au panneau nominatif du bâtiment qui surplombait avec force mauvais goût un fronton en béton sale. Le musée avait été officialisé six mois plus tôt et recevait sa première exposition. Cornélius était perturbé. Le bâtiment, érigé sur une base simple de symétrie latérale, s’organisait de par et d’autre d’une large esplanade construite en pierres grises qui s’étalaient devant une volée de quatre marches basses. S’élevaient ensuite deux colonnes corinthiennes creusées de cavités régulières que surplombait un fronton outrageusement néo-classique. L’œil de Cornélius notait les moindres de détails : il était doté depuis tout jeune d’une capacité d’analyse constante qui ne laissait de place qu’à sa sensibilité. Sensibilité qu’il dissimulait bien pour tout autre chose que l’Art, par ailleurs. Il pouvait comprendre le bâtiment : il s’agissait d’une copie de temple Grec qui ressemblait vaguement aux images du Reichstag qu’il avait pu observer dans les livres de la bibliothèque de son enfance. Ce qu’il ne saisissait pas, c’était le déni total de ce qui faisait l’essence esthétique même de ce type de bâtiment. L’emploi d’une pierre claire mise à nue, surplombées de gravures de premier ordre. Il n’était pas partisan d’une copie intrinsèque puisque toute sa vie antérieure, il avait œuvré pour s’extraire du néo-classicisme, mais jugeait que tant qu’à faire dans l’ancien autant œuvrer de manière intéressante. Il n’attendait pas des architectes de la ville qu’ils soient capables d’un trait d’originalité, non, puisqu’il n’attendait rien de personne. Mais une simple dialectique entre ancien et moderne aurait peut être pu arranger l’ensemble. Même si ça c’était déjà vu cent fois. Depuis 1945, s’en était presque devenu fade. Non, ce que Cornélius ne parvenait définitivement pas à saisir, c’était cet espèce d’entassement de statues sans formes coulées dans un bronze dégueulasse au pied de l’édifice. C’était cet échiquier en bois rapiécé qui indiquait l’entrée. C’était ce béton armé de HLM qui recouvrait une structure grasse. C’était l’étroitesse d’esprit, le manque d’ouverture, l’absence d’intérêt flagrant, concret, incroyable de ce bâtiment tout entier. Ca suintait la suffisance, la pédanterie, la laideur. Et surtout, une incompréhension assumée de l’Art. En d’autres termes, c’était une construction bourgeoise. Et Cornélius, pour tout sentiment, dévisageant la façade du même air désabusé qu’il avait toujours, ne ressentait qu’une intense envie de vomir.
- C’est dégueu, hein ? »
Il ne répondit pas et se contenta de jeter sa cigarette au sol avant de l’écraser négligemment, le nez toujours levé vers l’édifice, comme si une force l’empêchait de regarder autre chose. Il lui reconnaissait au moins cette qualité : sa laideur était subjuguante.
- Tu ne veux pas rentrer ? Ca fait vingt minutes que tu fixes ce panneau. Il pleut, tu es trempé et j’en ai assez de t’attendre. »
- Il y a marqué « International ».
- Oui. Et alors ? »
- Comment l’Art peut être international, à Cassandre ? » Elle soupira en serrant son gros manteau de toile contre ses hanches étroites.
- Tu ne veux pas rentrer ? » Insista t-elle et, comme pour expliciter son désir pressent d’échapper à la pluie glacée, elle ponctua sa phrase d’un léger claquement de dents.
- C’est con, International. C’est absurde. Pourquoi ça ne choque personne ?
- Peut être parce que les autres gens, les gens normaux, ne se prennent pas la tête avec ce genre de considérations, Cornélius. Qu’est ce que ça changera à ta vie que ce musée soit considéré comme international ou non ? Tu es venu voir ce qu’il y a l’intérieur et je t’accompagne alors que ça ne me passionne pas. Donc sois gentil et rentrons.
- Ce ne sont pas des considérations minimes, c’est un mensonge éhonté. Ca ne gêne pas, toi, qu’on te prenne pour une conne. Ca te satisfait.
- Bon sang Cornélius Lacroix, est ce que tu as ce genre de pensées devant chaque publicité que tu croises ?! La société passe sa vie à te prendre pour un con, fais toi à l’idée, sois comme tout le monde !
Cornélius haussa négligemment les épaules et s’engouffra dans le hall du Musée.

Delacroix était un artiste. Pleins de sarcasme et d’autocritique, d’intelligence et de sensibilité. Comparé à un Van Gogh ou un Cézanne, c’était un homme stable bien que rapidement frappé de violentes crises de fièvres qui le clouaient régulièrement au pilon. Cornélius, lui, n’était plus que le fantôme aviné de ce qu’avait été son prédécesseur. Il semblait avoir pris chez les fous toute la part qu’il avait manquée à Delacroix, et traquait sans cesse un but inatteignable. En cela, depuis qu’il avait décidé qu’il serait peintre, c’est à dire à l’âge de dix sept ans, il n’avait jamais su être comme les autres. Des années de frustration l’avaient rendu aigrie avant l’âge. Il portait sur le monde un regard prostré, à la limite de l’indifférence, et tout lui semblait toujours égal. Il entretenait pour lui une haine trop puissante pour pouvoir aimer les autres, et reportait bien souvent ce dégoût qu’il avait de lui sur les gens qui l’entouraient. En cela, Cornélius était un homme invivable. Mais les souffrances qu’il s’attirait, traduction d’un génie artistique qui semblait seul susciter son intérêt, attiraient parfois les autres à lui. Il dégageait quelque chose d’exceptionnel, Cornélius, d'intriguant, de fort. Il subjuguait par son discourt. Et parfois, indicible, une lueur passionnée s’allumait au fond de ses yeux lorsqu’il parlait de l’Art, du vrai, et il redevenait alors un homme. Et c’est de cette manière innée, instinctive, que ce grand loup solitaire séduisait son entourage. Instants fugaces, pendant lesquels tous restaient suspendus à ses lèvres. Jusqu’au moment où il redevenait le Cornélius dont tous avaient la connaissance, où il se sabotait lui même en jetant aux visages admiratifs sa haine, son dégoût et son mépris. Lorsqu’il se mettait à nouveau à baver ses inepties agressives, brutales, violente. Où il redevenait ce monstre intolérant pour le monde et pour lui même.

***


- Tiens. »
Alisson déposa la tasse de porcelaine industrielle sur la table en lino. Le choc produisit un son clair qui fit sortir Cornélius de la torpeur qui l’accompagnait partout. Sans regarder le contenu de la tasse, il goûta du bout des lèvres, les yeux obstinément tournés vers la vitre. C’était sans aucun doute le seul point fort de ce Musée. Exposition médiocre, établissement médiocre, présentation médiocre, mais une volée de marche conduisant à une terrasse qui surplombait la ville dans une vue splendide qui avait tôt fait de lui donner un peu de réconfort. Il était sorti seul, sous la pluie battante qui semblait vouloir tout engloutir. Le vent lui avait fouetté le visage. Abandonné sur le balcon, il avait inspiré longuement pour se purger de l’absurdité de l’homme. Une panoplie de bourgeois le regardaient faire depuis la terrasse couverte, comme s’il eu s’agit d’un singe en pleine démonstration de son intelligence.

Il N’était même pas ça. Il n’était que Cornélius.

Puis Alisson l’avait à nouveau appelé. Elle passait son temps à prononcer son nom. Elle tentait vainement de le rattacher à une réalité pour laquelle il n’avait aucun intérêt. Mais c’était une fille bien, Alisson. Il avait sincèrement du respect pour elle et tentait souvent de le lui prouver. Il échouait toujours.

- C’était… Déplorable. Nul. A chier. » Elle soupira. Elle n’avait pas assez de haine pour supporter très longtemps le flot continu d’insanités gratuite que Cornélius se plaisait à déverser lorsqu’il trouvait quelque chose pour le faire. Comme s’il pouvait se purger ainsi de sa souffrance. Il ne comprenait pas que c’était inutile et n’avait pas assez de finesse pour l’épargner aux autres. « Un ramassis de cons. Incapables de regarder derrière eux pour comprendre qu’ils n’inventent rien. Ils devraient épargner ça au monde. Pourquoi certains artistes sont-ils incapables de se rendre compte de leur médiocrité ? »
- S’ils n’essaient pas de se confronter au regard de l’autre ils ne le sauront jamais, Cornélius.
- Il y a des limites à l’insanité. »
- Ecoute, » Alisson en avait assez. « Arrêtes de te croire au dessus de tout le monde, Lacroix. C’est invivable. Les autres ne te veulent pas autant de mal. Tu rejettes ta frustration sur ceux qui ne t’ont rien fait. Présentement, c’est moi qui prends tout, et je n’ai pas signé pour être ton sac à vomi. Alors bois ce putain de café et épargne moi ton couplet habituel. Je le connais et je m’en fou. Tu écriras plus tard pourquoi tu voudrais tout faire brûler. Mais fou moi la paix. »

Il la laissa tranquille. Cornélius, dans sa haine et son agressivité primaire, était comme une bête arrogante qu’il fallait dresser à la force du fouet. Un coup cinglant derrière les oreilles suffisaient généralement à l’enfermer dans un mutisme contrit, un peu respectueux. Cette petite femme avait le don de le ramener à cet état où, la queue entre les jambes, il ne savait plus rien faire que lever un œil discret vers elle, même pas fâché de s’être fait écraser sans sommation, attendant patiemment qu’elle lui donne l’autorisation de parler à nouveau. Alisson survivait grâce à ça. Mais sa patience n’était pas infinie.

Elle s’était pourtant donnée le but de sauver Cornélius Lacroix. Peut être parce qu’au fond d’elle elle avait trop d’amour pour cet homme inepte. Elle savait, elle, ce qu’il avait à donner au monde.

***


Cassandre. Quelque chose comme dix heures du soir. Cornélius distingue autours de lui, vaguement, les silhouette des soulards qui restent tard après dîner. Il pose un œil morne sur toute cette plèbe qui hante la ville aux heures les plus sombres. Ils se regroupent en bandes et échangent leurs idées dans une médiocrité de comptoir. Cornélius les hait. Profondément, viscéralement, il aimerait pouvoir les faire disparaître dans un souffle, leur couper la langue, les écraser sous son talon. Il les hait si profondément qu’il doit constamment se retenir de ne pas leur fracasser son verre sur le crâne, de ne pas les saigner comme des porcs avec les résidus de verre, de leur briser les reins, leur ouvrir le ventre et déverser leurs tripes sur le sol de l’auberge. Il déteste l’ambiance de ce lieu, ses tables en bois vernis qui se donnent des airs de tradition mais qui n’abusent personne, les chopes en verre mal finies donc l’acquisition en gros s’est faite par le biais d’une bonne affaire un peu avare, la tenancière droite comme un plaque de marbre et frigide comme un meuble. Elle est à l’image de son bar, elle se donne des airs de pureté, de bienséance, de luxe, alors qu’au fond seuls les connards l’a côtoient et la salissent. Elle a fait son mari cocu plus de trente deux fois en dix huit ans de mariage, et seul lui semble l’ignorer, ce gros benêt affligé d’une moustache ridicule, monté comme un œuf avec pour visage une pastèque grossière. Deux aberrations. Deux seulement au milieu d’une vaste blague, immense. Cornélius ne les supporte pas, il les hait tous, autant qu’il se hait lui même.

Un peu moins, peut être.

Et leur rires gras qui résonne sous la charpente et s’incrustent comme la crasse entre les poutres. Il écoute, Cornélius, parce qu’il ne peut s’empêcher d’être mondain. Il ne peut s’empêcher de côtoyer cette plèbe pour qui il a tant de haine, tant de dégoût, tant de mépris. Il est invivable, Cornélius. Il a mauvais caractère. Il est cynique. Il déteste la vie, et ça se sent très fort. Mais il est intelligent, Cornélius, et tout le monde ne saisit pas son sarcasme. Il côtoie les imbéciles et se rit de leur faiblesse d’esprit.

- L’Art de nos jours c’est qu’un vieux truc pour Bourgeois. Nous, on peut rien n’y comprendre, de toutes façons y a rien n’a faire tu vois, le mec il se dit artiste parce qu’il peint un rond rouge qu’il vent des millions, c’est une pure blague, et y a des gens qui achètent ça et qui en disent du bien, faut vraiment être con. » Cornélius se crispe, sert son verre entre ses doigts, relève un visage qu’il gardait baissé. Ceux là, il les connaît bien, il les côtoie tous les soirs. Il ne les considère pas comme ses amis, non. Cornélius n’a pas d’amis. Il se retient, comme à chaque fois pour ne pas écraser son verre sur cette face rougeaude. C’est l’éternel débat du bien et du mal qui se fait en lui. Pour tout ce qu’il entreprend, Cornélius vit un tiraillement de l’esprit atroce. Il fixe celui qui vient de parler. Il fixe la table. Le silence se fait. Le silence se fait toujours lorsque Cornélius parle.
- Tu sais ce que c’est, l’Art ? Non. Toi, tu vas au musée. Tu regardes des toiles comme on regarde une brosse à chiottes. T’approuves, tu hoche la tête, tu dis, ouais, c’est pas mal, ça. C’est joli. C’est JOLI. Comme si ça devait juste te PLAIRE pour valoir quelque chose. T’aime bien, t’aprécie, alors c’est de l’Art. Tu le mettrais même peut être bien chez toi, ouais, exposé sur un vieux mur dégueulasse en crépit blanc, entre deux photos de famille médiocres. Mais c’est pas ça, l’Art, c’est pas ça. L’Art tu vois, ça te prends aux tripes. C’est pas un métier à la con que tu décides de faire parce que ouais, tu pourras laisser parler ta sensibilité. Quelle sensibilité ? C’est destructeur, l’Art, putain. Mais qu’est ce que t’en sais, toi, t’es pas artiste. T’es juste spectateur. T’es juste critique. Tu crois que c’est fait pour toi. Que l’œuvre elle est crée pour ton petit goût personnel, ta petite subjectivité de rien du tout. Qu’est ce que tu t’imagines, qu’on en a quelque chose à foutre, de ce que tu penses, toi, juge de rien, enfoncé six pieds sous terre, qui croit brutalement obtenir le pouvoir de noter d’une moue dédaigneuse le travail d’un artiste ? Tu ne peux pas savoir ce que ça représente, l’Art, le vrai, la quête de l’absolue, tu peux pas savoir, personne peut l’imaginer. Alors tu te plantes comme ça devant une toile, elle est blanche, avec une ligne blanche. Tu regardes, tu rigoles et tu dis « ça se vend des millions, moi aussi je peux le faire et devenir riche ». Tu penses pas pouvoir le faire, t’en es sur. Parce que t’y comprends rien. C’est une toile blanche. Une putain de toile toute blanche sur laquelle les gens cherchent une putain de ligne blanche qui n’existe peut être pas. Ils haussent les épaules, ils estiment que c’est de la merde, et ils se barrent parce qu’ils y comprennent rien. Il comprennent pas que l’artiste, quand il a recouvert sa toile à la con de peinture blanche, il a atteins l’absolue, il s’est dit, la sublimation, c’est ça. C’est CA. Une toile toute blanche. Vide. Rien. Le RIEN. Tu comprends, bordel ? Le NÉANT. Personne ne pourra jamais le toucher du doigt. Alors le type, devant sa toile blanche, il réalise que lui, LUI, il a touché au but, qu’il pourra plus jamais rien faire de sa vie. Alors il prend un flingue, il se le colle dans la bouche et il se tire une balle dans le crâne. Sa cervelle gicle sur la toile toute blanche, la recouvre de morceaux sanguinolents, et toi, devant l’œuvre de sa vie, couvertes de chaire et de sang, tu te marres. Ca te fait rire. Parce que tu penses que tu pourrais faire la même chose. Parce que t’y comprends rien. »

Il ne supporte pas ça, Cornélius, l’avis des gens. Il ne vit pour rien d’autre que pour l’Art, et quand il voit ce que l’Art devient dans la bouche des autres, il ne sait plus comment juguler son aversion. Alors il leur tourne le dos, il sert les dents, toujours, et il s’en va brutalement en laissant derrière lui une odeur de violence qui le suit partout. Personne ne sait comment Cornélius Lacroix fait pour se supporter. Pour vivre avec lui même. Il a conscience que quelque chose le maintient en vie, quelque chose de grand et d’immonde qui le pousse à chercher ce qu’il n’atteindra jamais. Il sait sa quête désespérée. Il ne sait que se servir des gens pour les mettre au service d’un Art qu’il détruit sans cesse. Il vit entouré par le désespoir, ses ongles raclent le sol tandis qu’il tente vainement de se soustraire à une chute désastreuse. Son âme est noire, aigrie, perclus de tâches sales et sombres qu’il ne cherche même plus à dissimuler. Personne n’aime vraiment Cornélius. Il est méchant, profondément méchant. Il aime dire aux gens ce qu’il pense uniquement pour les voir souffrir, un sourire cruel aux lèvres. Mais ça ne le satisfait jamais car personne ne souffre jamais autant que lui. On le traite de névrosé, on le prend pour un fou. Comme Cézanne. L’homme se penche sur les artistes qui ont suivit son propre trajet, en tâchant de se souvenir comment il faisait jadis pour échapper à tout cela. Pour être stable. Il ignore les gens. Les gens sont des cons. Lui, il sait que sa voie est la seule qui mérite d’être arpentée.

Un peu de haine entre deux mégots de cigarette.

***


Un appartement luxueux au détour d'une rue de Cassandre. L'intérieur est entretenu, pourtant l'ambiance est imprégnée d'une odeur de désintérêt. Cornélius n'a aucun goût pour l’ameublement. Son appartement est beau, mais à son image, il est froid. Le peintre est alanguit dans un fauteuil, mollement, il fume un cigare avec une paresse de fin d'après midi. Il regarde par la fenêtre et tourne le dos à l'autre. L'autre qui est vautré sur les draps de soie de son lit à baldaquin. Quelque chose d'abominablement futile que Cornélius Lacroix ne peut s'empêcher de posséder.

- L’artiste ne sait pas quand sa création devient œuvre,» explique le peintre. « C’est une dialectique entre trois états. Celui d’artiste, celui de matière, et celui de spectateur. L’artiste en lui même ne fait pas l’Art, car s’il le faisait, il ne s’agirait alors que d’une traduction matérielle de son imagination. Le spectateur en lui même ne fait pas l’Art, car s’il le faisait, il ne s’agirait alors que d’une réponse à ses goûts, à ses envies. La matière seule ne fait pas l’Art car sinon tout serait Art. Quand l’Artiste crée, il donne de lui et de sa technique. Quand le spectateur reçoit, il s’investie dans l’œuvre, aliène son esprit à la matière et en ressort grandit, enrichis. Et lorsque l’œuvre dépasse l’imagination du spectateur, échappe à l’intention de l’Artiste, alors elle atteint le sublime et devient une véritable œuvre d’Art. Tu comprends ? Il ne s’agit pas simplement de créer, il s’agit de donner vie. Donner vie à quelque chose qui t’appartiendra le temps de la création mais sera animé d’une vie propre. Un artiste qui dit avoir tout prévu n’est pas un véritable artiste. On ne peut pas tout prévoir. Parce que la sublimation est au delà de notre imagination. Moi, je cherche cette sublimation. Mais je ne sais pas comment l’atteindre. Je ne sais pas à quel moment ma représentation du monde deviendra sublime. Le monde change constamment, tu vois. Et je ne peux accepter que ma toile reste figée.» Le mouvement. Et il sait, Cornélius, que ses peintures n'atteignent pas un dixième de la qualité de celle de Delacroix. Delacroix était un vrai peintre. Il ne peux pas être Delacroix.
- Tu n’aurais pas peur qu’elle t’échappe ? Finalement, c’est peut être ça, ton problème. Tu veux atteindre la sublimation. Tu veux faire de l’Art. Mais tu n’arrives pas à laisser ta création acquérir sa propre vie. Tu l’aliènes par les retouches constantes que tu lui appliques.»
- T’y connais rien.» Il l'insupporte. Il voudrait le jeter dehors. Mais il attend ce moment, imperceptible, où la limite sera franchis.
- Tu l’aimes, celle que tu as peinte ?»
- Quelle importance ? Est ce que parce que tu dessines quelqu’un que tu aimes ça en fait une œuvre d’art ? Connerie.»
- Tu cherches quelque chose que tu n’atteindras jamais. Ca t’empêche de vivre. Tu es aigrie, tu te détestes, tu voudrais mourir mais tu continues de chercher alors que tu sais pertinemment que tu n’y arriveras jamais. Tu es un échec, Cornélius. Un misérable échec. Et tu en veux au monde entier comme si c’était de sa faute. Mais tu sais, Cornélius, ta nullité, tu ne l’a dois qu’à toi. Personne n’en est responsable en dehors de toi. Alors crèves donc, si ça peut t'arrêter d'emmerder le monde.
- Si ça pouvait suffire à éradiquer les gens comme toi, je le ferais.
- C'est comme si t'étais chargé d'une mission divine. Traquer le sublime et éradiquer les cons.
- Oui.
- Tu es fou, Cornélius.

Si seulement c'était aussi simple.


Le Retour à la terre

J'avais entrepris une lutte insensée ! Je combattais la misère avec ma plume.
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Comment avez-vous découvert SQE ? Je dirais que c’est un genre de dc.
Des questions, des réclamations ? Bon j'avoue j'ai eu aucune patience du coup je me suis dis que ça devait être légende urbaine, je modifie au besoins bien entendu étout étout. Et puis il manque pleins de trucs dans cette fiche mais je reviendrai dessus un jour sinon je suis une feignasse admirez moi.
Un grand homme, Cornélius. Cordy210




Dernière édition par Cornélius D. Lacroix le 23.07.12 18:45, édité 6 fois
 
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MessageSujet: Re: Un grand homme, Cornélius.   Un grand homme, Cornélius. Empty23.07.12 11:15

Rebienvenue !

Edite ta fiche pour mentionner dans le premier cadre qu'il s'agit de Delacroix, ça peut porter à confusion...
J'ai rien à redire de particulier sur la fiche, je regrette un peu que tu ne parles pas plus de sa vie à Cassandre mais bon... fiche validée !
 
Cornélius D. Lacroix
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MessageSujet: Re: Un grand homme, Cornélius.   Un grand homme, Cornélius. Empty23.07.12 12:45

Je suis désolée désolée désolée. J'étais en train de maj ma fiche je ne pensais pas qu'elle serait validée tout de suite et comme je n'ai pas accès à internet partout au moment où j'ai eu la brillante idée de la reprendre en trouvant qu'elle manquait de détails je n'avais pas la possibilité de venir sur le fo pour la supprimer le temps de tout mettre à jour. Du coup j'édite, je ne sais pas si ça nécessite une relecture pour assurer la validation ou si je dois reposter la fiche dans son intégralité... Encore désolée je go me flageller avec des orties.
 
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Un grand homme, Cornélius.

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