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 Le loup et l'agneau. [Thunder]

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Léopoldine J. Magyar
Léopoldine J. Magyar
« we didn't start the fire »
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Personnage Incarné : Javert

VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE
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MessageSujet: Le loup et l'agneau. [Thunder]   Le loup et l'agneau. [Thunder] Empty02.05.12 21:19

Le loup et l'agneau. [Thunder] Candid10

« T’arrives pas là par hasard ;
personne d’autre que toi ne te conduira au sommet »


Un banc. C’est stupide comme lieu, un banc, pas vrai ? Surtout ce banc-là, sur cette place-là, dans cette cité-gigantesque-qui-l’embêtait-bien-là. Un banc, c’est pour les vieux, qui sont fatigués, ou pour les mères en cloque, et leurs mômes braillards. Un banc, c’est pour ces femmes à la faible condition. Ces femmes qu’elle ne deviendrait jamais. Sa condition ne vaut guère mieux à ses yeux, parfois. Elle se demandait si elle ne préférait pas avoir des tas de gamins à s’occuper, plutôt que de se voir traiter comme l’un d’entre eux, par un maniaque intellectuel. Oui, elle aurait peut-être dû se mettre en quête de l’âme-sœur, se faire passer une alliance à l’annulaire, faire des choses pas catholiques, et enfanter d’une ribambelle de marmots. Elle aurait eu le cerveau bien rempli, d’un tas de responsabilités bien moins compliquées que ses études.

Elle était parvenue à se donner l’envie de vomir. Sur ce banc de couleur gerbe. Dans cette ville qui lui donnait la nausée, rien qu’en suspectant le rôle qu’elle avait à y jouer. Alors, comme s’il s’eut été agi d’un remède de bonne fame (oui, c’est comme ça que ça s’écrit, au départ, de « fama » : réputation, en latin), elle enfonça ses ongles, à la manière d’un chien de chasse, dans le bois vermoulu du banc qu’elle semblait tant haïr. Comme si cela pouvait remédier à son envie de cracher ses tripes sur le sol, elle se mit à gratter la peinture, prête à entamer le bois, si ce n’était pas avec les dents. Pourquoi cette haine si soudaine ? Léopoldine n’était pas réputée pour sa grande douceur et la gentillesse de ses mœurs, on pouvait discerner fébrilement lorsque le stade de son agacement constant franchissait le cap de l’irritabilité kamikaze. Victor aurait parlé d’une frustration due à sa soumission. Quelque chose qu’elle trouvait absurde, en soit. C’était bien beau de jouer les blasées, mais ça ne marchait pas à tous les coups. Surtout quand on était sous le joug d’Hugo. Ça n’était pas comme un débat politique ; il n’y avait un temps de parole autorisé que d’un côté. De l’autre, ça grinçait des dents, ça fusillait du regard, ça arrachait la peau des bancs, à défaut de pouvoir déchirer celle du bourreau.

Léopoldine ne savait pas haïr. Ou du moins, elle le faisait trop pour que cela reste crédible. Elle était certes très sérieuse, on pouvait facilement rire d’elle ; rien que là, sur ce banc, elle ne ressemblait à rien. Le dos un peu voûté, le regard assombri, ses cheveux presque blancs tombant en cascade le long de ses bras. Le pire dans tout ça, devait-elle penser, c’est qu’on ne se moquait que rarement d’elle, pour la simple et terrible raison qu’on ne la remarquait. A l’image de sa chevelure transparente, elle-même se fondait dans les murs. Elle ne s’en plaignait pas, d’habitude. Elle se complaisait même dans cette discrétion, car le monde alentour ne semblait pas l’atteindre. Sauf quand la justice était bafouée. Là, c’était le drame. Ce n’était plus contre le banc qu’elle s’énervait mais contre les murs. Et pourquoi pas, les gens. En sautant à la gorge du premier camarade d’amphithéâtre qui passait à sa portée. Ou même un passant. Comme les dames enceintes. Leur lancer un banc dans la figure. Dans le ventre. Elle n’était pas Javert. Même si elle respectait autant que lui le sexe faible. Elle n’était pas Javert car Victor voulait qu’elle le soit. On en était presque arrivé à là. Un raisonnement de sale gamine mal élevée. Ce qu’elle devait être, au final.

Alors, puisque c’est comme ça, puisqu’elle n’est qu’une sale gamine, elle continuera de gratter, de faire voler la poussière sous ses semelles. Elle enfoncera son museau de chien de garde dans le col de son long manteau qu’il l’assortie si bien à son auteur. Elle mord une couture, les sourcils froncés. Le vent s’immisce dans sa cicatrice. Si elle n’était pas si bien habillée par son pseudo-protecteur, on aurait pu facilement l’assimiler à un sans-abri. Elle ne les portait pas dans son cœur, non plus, ceux-là. Il y en avait trop. Et ils étaient trop intelligents. Et parfois même, ils venaient jusque dans la maison de son père. Qui sait ce qu’ils étaient capable de faire ? Ce ne sont pas toujours les plus riches les plus méchants. La preuve, Jean Valjean n’était parti de rien …

Elle grogna. Simplement. Resserra les poings. Les releva, comme si elle allait asséner un coup à quelqu’un. Et la cible fut elle-même. Parce qu’une fois de plus, hormis les quelques coups d’œil des passants interloqués, personne ne venait la voir. Sans son bourreau, elle n’était donc rien.
 
 

Le loup et l'agneau. [Thunder]

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