noctem et raskolnikov; c'est une histoire follement compliquée, voyez-vous, Alexi n'est pas du genre à savoir ce qu'il veut, c'est un jeune homme tourmenté, en plein conflit entre ses désirs de rébellion et les règles de la société dans laquelle il évolue, il se retrouve dévoré par le doute et les envies sadiques qu'il alimente ; alors Noctem est pour lui tantôt source d'admiration, tantôt de frustration, et Raskolnikov ne sait pas trop comment se positionner face à lui. Selon les jours et les humeurs, il peut crier à la rébellion, ou tenir ses positions de citoyen modèle, allez savoir. Nikov est un peu instable.
les camps et raskolnikov; Alexi n'appartient à aucun camp, ou bien aux deux, c'est à voir. Il ne sait pas gérer avec le conflit intérieur qui le dévore, pas foutu de choisir entre les règles strictes de la société fataliste et les désirs de révolte qui l'habitent. Cette tendance aux revirements et à l'instabilité mentale n'inspire que peu confiance aux différents camps peuplant Cassandre, aussi Nikov n'est le membre officiel d'aucun d'entre eux. Parfois, il joue les espions pour l'un ou l'autre, mais les demandes sont rares ; il faut toujours prendre en compte l'éventualité d'un changement brusque d'avis.
le degré d'engagement; et d'aventures, vous pourrez voir Alexi dans les rues de Cassandre, pancarte à la main, clamer son amour pour Noctem et traquer les opposants ; quand d'autres jours il sera silencieux, tapi dans l'ombre des avenues, à traiter avec les résistants. Mais qu'importe qu'il serve le noir ou le blanc, Lexi apparaît toujours comme déterminé, face au conflit obsédant du choix entre deux camps, et à l'un comme à l'autre il donne de sa personne, à l'un comme à l'autre il s'offre et s'abandonne.
la plus grande peur; céder à ses désirs les plus profonds, ceux qu'il refoule tant bien que mal, et être pris la main dans le sac à assouvir ses pulsions animales, rongé par la paranoïa et la dépression de devenir un jour ce qu'il redoute, au fond.

« ... »
Tu vois, c'est ça le silence. Quand tes lèvres sont scellées et que ton souffle s'éteint, quand tout se fait quiétude et que les mots se perdent quelque part entre ta bouche et ta conscience. Le parquet grince un peu au rythme de tes pas, mais sur la pointe des pieds tu fais des efforts pour garder la maison endormie. Spooky s'agite un peu, le chiot gémit quelques jappements, mais une caresse et son ronflement revient vite faire écho dans le salon. C'est la première fois que tu sors, comme ça, sans prévenir personne, et l'excitation du danger s'empare de ton corps si frêle. Tu frissonnes. Tant la sensation de liberté qui t'assaille, que le froid cinglant de ces nuits d'hiver, il mord ta peau et la marque sans prévenir. Tu ajustes le bonnet, tu ressers ton écharpe, et tes pieds s'enfoncent dans la neige encore vierge de la veille. C'est bientôt l'heure.

« S'il vous plaît, un peu de silence ! »
L'homme sur l'estrade est grand, peut-être trop, et sa silhouette maigre le rend presque invisible, insignifiant, elle ôte tout charme et toute autorité. Pourtant de sa voix forte, il impose le respect et rapidement, la foule se tait. L'assistance attend et, coincé entre deux marins aux bras forts et tatoués de toute part, Alexi retient son souffle. Il a quinze ans, et cette gueule d'ange blondinet dont on ne soupçonne que peu de mal. Avec ses yeux clairs et son sourire délicat, le garçon fait tâche dans ce paysage d'adultes. Pourtant il se sent bien, il fait partie de quelque chose qui le dépasse totalement, il n'est qu'un membre parmi tant d'autres, et de cette sensation, Nikov retire énormément de joie.
« Merci à ceux qui ont accepté de venir, malgré les dangers encourus, et qui se sont soumis aux tests de vérification ; vous comprenez bien que ce que nous faisons ici nous expose à l'illégalité. Dès lors, il n'est plus question d'inviter sous ce toit des gens mal intentionnés qui pourraient jouer les espions et nuire à nos actions. »
Il marque une pause. Après une fouille en règle et un questionnement basique, chacun avait du transmettre le mot de passe à un chef de sécurité, pour entrer dans la salle clandestine et assister à cette réunion. Alexi n'avait pas échappé au règlement, même si son jeune âge semblait avoir posé problème aux organisateurs de ce meeting. Il était finalement rentré et, au fond de la pièce, était subjugué par le discours juste et direct de l'homme qui semblait en charge d'une partie des opérations résistantes.
« Ce soir, il s'agit seulement d'expliquer les raisons qui poussent à s'engager dans la résistance. Vous montrer que le monde sous Noctem n'est pas le meilleur. Vous convertir à un idéal de liberté ! »
La foule s'enhardit, quelques cris de joie fusent de part et d'autre de la salle. Alexi applaudit, suivant le groupe de futurs résistants. Après tout, Noctem Fabula est un gouverneur infâme, un homme vil et sournois, habité par le désir compulsif de contrôler ce qu'il a généré dans les consciences humaines, et de l'esprit il fait son royaume, de Cassandre sa forteresse. Raskolnikov est sûr d'une seule chose : si tuer un homme peut engager l'amélioration de la condition humaine, il sait ce qu'il lui reste à faire. Comme l'écrivait Machiavel, la fin justifie les moyens.


Là-bas, de l'autre côté, il y a des bateaux assez fous pour s'aventurer sur le fleuve aux arcanes. Dans leur danse chaloupée, Alexi voit l'appel de la liberté, de la grandeur dont il est privé. Au loin s'agitent des flots violents et meurtriers, et lui aphasique, le cul sur un banc, à attendre que les choses se passent. Parce que l'eau a coulé sous les ponts, et le temps où la résistance grisait son esprit d'adolescent révolté est révolu. Bouffé par les remords et la trahison dont il s'est rendu coupable, effrayé par les répercussions de ses engagements et les règles morales que Noctem impose aux citoyens de Cassandre, Nikov a décrété n'avoir plus rien à faire dans la résistance. Sa lâcheté ne l'empêche pas de rêver liberté, alors il regarde les horizons qu'il sait inatteignables. Il tend la main en vain, caresse les lignes étendues face à lui, trace dans l'air les frontières de terres inconnues. Alexi est un jeune homme compliqué.

Dans le courant de certains jours, Nikov est déterminé à faire tomber Noctem. Le temps et l'humeur n'influent que peu, il y a simplement un déclic. Il se laisse aller à une pulsion presque machinalement, un désir d'indépendance loin du joug tyrannique, une envie de meurtre aussi. Parfois imagine-t-il le sang couler, sur le plancher rugueux de son petit appartement d'étudiant, sous les coups de hache qu'il aurait donné. Crever le cœur des hérétiques et des comparses royaux, tous ceux qui l'empêchent d'atteindre l'idéal que Raskolnikov s'est fixé.
A d'autres jours, d'autres ambitions, alimentées par la peur et la paranoïa. Et si quelqu'un découvrait sa participation dans la résistance ? Que se passerait-il ? Peut-être que des gens sont déjà au courant ? Il transpire l'angoisse, avec son regard d'animal traqué, dans ces jours-là. Il ne sort que peu, s'enferme dans un mutisme inhabituel, et pour racheter les fautes qu'il croit avoir commises, est prêt à révéler aux gardes royaux tout ce qu'ils veulent savoir.

Foutu mioche indigne de confiance. Assis sur son banc, le regard vague noyé dans les rouleaux d'écume qu'il imagine. Petit con trop lâche pour assumer ses idées, pauvre gamin totalement paumé, instable, perturbé.


« Je peux entrer ? »
Il a ce sourire. Tu peux voir tout ce qu'il y a de beau en lui juste quand il sourit. Et ses yeux, putain ses yeux. Ce sont des petits univers à eux tout seul, des mondes à part, dans chaque iris éclatent des couleurs nouvelles, des étoiles jusque là inconnues. Alexi, tu dois faire l'amour à ces yeux, à ce sourire, à ce visage aussi imparfait que charmant. Tu recules. Il entre.
Dans son assurance naturelle et sa démarche retenue, dans ses cheveux noirs de jais et dans ses bras puissants, dans sa chemise trop grande et dans son odeur enivrante. C'était la nuit et le jour au même moment, l'aube dans des teintes vivaces, un lit en plein air et des avions sans ailes. Du saucisson pour dessert, des cigarettes qu'on fumerait à l'envers. A lui seul, l'improbabilité, l'impossible, l'absurde. Debout dans ton appartement, son regard accroché au tien comme s'il attendait de toi le premier pas. Mais tu n'es pas ce genre de garçons qui assument ce qu'ils sont, et si les hommes ont toujours réveillé chez toi des instincts primaires et des sentiments profonds, tu ne considères pas ça comme normal. C'est contre la morale, contre les règles religieuses, contre tout ce que ton éducation t'a appris. Alors ta putain de mentalité instable joue le chaud et froid, quand parfois tu réprimes tes pulsions jusqu'à la frustration la plus intense, quand d'autres fois tu les laisses t'envahir jusqu'à inviter des inconnus dans ton appartement pour les effeuiller, les posséder, les abandonner. Petit salaud.

« Je m'appelle Nathanaël. »
Fichus anges, pourquoi descendre du ciel et éveiller nos passions ? Tu ne prends pas la peine de répondre, à quoi bon ton prénom. A la place, tu cèdes à tes envies, et d'un pas tes lèvres se retrouvent attachées aux siennes. Sa main est sur ta joue, le contact est agréable. Le baiser s'éternise. Tes mains sur son corps, déjà à demi-nu, caresses à l'aveugle, dans le silence de votre étreinte. Les draps appellent vos corps à la luxure, à l'extase de votre plaisir et les gémissements résonnent entre les murs, sous les coups de langues et de reins qui excitent les vices. Alors peu importe que tout ça ne soit pas moral, qu'il y ait des règles et des éducations qui prohibent ce genre de comportements ; si Dieu n'existe pas, tout est permis.

Il fait nuit et son corps est encore chaud, ta tête au creux de son épaule. Dans la matinée il quittera les lieux et ne reviendra probablement jamais, c'est l'amour fugitif et épars, c'est le sexe d'un soir. Alexi, quand comprendras-tu qu'il n'existe pas de bon ni de mauvais côté, qu'il n'y a aucun combat manichéen prévu par l'ordre cosmique, que tout n'est pas aussi simple que le blanc et le noir ? Des palettes de couleurs, et des tas qu'on ne connaît pas encore, des étoiles par milliers et de feu, et de glace ; mais t'es destiné à devenir fou, à perdre l'esprit, à tuer encore et à te faire baiser par tes envies jusqu'à ce que mort s'en suive.
Les petites choses ont leur importance ; c'est par elles qu'on se perd.